Présentations - session 7

Présentations orales - forêt

Mardi 14 mai - 8h50 - 9h30
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Foster Forest, un jeu pour diversifier les stratégies d'adaptation des forestiers français face aux dérèglements climatiques
Timothée Fouqueray 1, @ , Michel Trommetter 2, @ , Nathalie Frascaria-Lacoste 1, @
1 : UMR Ecologie Systématique et Evolution - Site web
2 : UMR GAEL INRA/UPMF, INRA


Foster Forest est un jeu de rôles destiné à imaginer des solutions d'adaptations aux dérèglements climatiques en forêt française. Si l'on considère que l'adaptation a vocation à assurer simultanément la production de bois, le maintien des dynamiques écologiques, le tout en respectant un relatif équilibre économique, alors Foster Forest pourra servir à explorer des pistes d'adaptations complémentaires aux seuls leviers techniques.

Durant la première année de la thèse qu'il mène actuellement, Timothée Fouqueray a montré la prédominance, dans l'adaptation aux dérèglements climatiques, des solutions techniques tournées vers la production de ressources en bois. Qu'il s'agisse des Vosges du nord ou des Landes de Gascogne, où il a enquêté, les forestiers publics et privés rencontrés pensent d'abord l'adaptation comme celle de la forêt : mise en avant d'essences résistantes à la sécheresse, raccourcissement des durées de révolution des coupes forestières, etc. Or, l'incertitude des dérèglements climatiques induit que ces solutions, aussi robustes soient-elles, ne fonctionneront pas toutes, pas partout, pas tout le temps. Il importe donc de les compléter par des adaptations portant sur l'organisation même des usages des forêts. En France, la multifonctionnalité des forêts repose sur leur usage simultané en tant que lieux de production de bois, de promenades, de protection des milieux naturels, de chasse, de lutte contre l'érosion, etc. Imaginer des adaptations ne peut ainsi se faire sans considérer l'ensemble des acteurs de ces divers usages. Par ailleurs, une contrainte économique souvent exprimée reste a minima d'équilibrer revenus et dépenses.

C'est dans ce contexte qu'est née l'idée du jeu Foster Forest. Comment assurer des usages forestiers perturbés par les dérèglements climatiques ? Et ce d'autant plus quand ces usages forestiers sont principalement financés par une production de bois fragilisée par ces changements ? Dans l'idée de diversifier les revenus des forêts (ex : valorisation économique du stockage de carbone), comment intégrer les incertitudes climatiques ?

Pour observer comment les forestiers essaient d'apporter des réponses à ces questions, Foster Forest regroupe autour d'un même plateau de jeu des représentants des diverses forêts de métropole : un.e agent de l'Office National des Forêts, un.e élu.e d'une commune forestière, un.e gestionnaire d'espace naturel protégé, deux propriétaires privés. Chaque joueur se voit attribuer des parcelles qu'il doit gérer afin de répondre aux objectifs de son rôle : production de bois, accueil du public, chasse, conservation environnementale, ... Les actions de jeu se limitent alors à des choix sylvicoles, portant sur les essences favorisées, les modes de régénération, les fréquences et intensités de coupes. A chaque début de tour, les joueurs suivent les conséquences de leurs choix précédents grâce à une batterie d'indicateurs les concernant : « relevé de comptes », indicateur de qualité de l'eau, de connectivité écologique, de l'état des sols, ... S'il n'était limité qu'à cela, Foster Forest serait un jeu exclusivement tourné sur les arbitrages opérés pour une gestion forestière multifonctionnelle. L'intégration des dérèglements climatiques passe alors par la modification progressive des paramètres de mortalité et de productivité forestières.

La présentation que nous proposons reviendra sur :
  • l'origine du projet, qui est aussi l'occasion d'un partenariat avec la fédération des Parcs Naturels Régionaux
  • les étapes de la conception de Foster Forest
  • son fonctionnement, et plus spécifiquement sur le choix d'informatiser le plateau de jeu grâce au logiciel CORMAS
  • les résultats des premières parties, et le choix des outils d'analyses.
Au regard des thématiques du colloque, les auteurs espèrent offrir un cas d'étude sur la prise de décision de gestion environnementale dans des contextes d'incertitude. Quelles solutions émergent, comment reflètent-elles les négociations entre acteurs priorisant des usages forestiers différents ? Quels en sont les impacts sur les autres usages forestiers et les dynamiques écologiques ?
L'exposé sera aussi l'occasion de présenter comment l'ambition de Foster Forest pour la responsabilisation environnementale n'est pas uniquement liée au processus du jeu, mais aussi aux phases de critiques de sa construction qui suivent une partie (débrief).

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Un jeu pour enseigner les concepts et principes d’une discipline : l’exemple de CAP>BIOMASSE et l’enseignement de l’écologie territoriale Juliette Cerceau (chercheur indépendant), William’s Daré (UR GREEN – CIRAD), Jérémy Ferrante (consultant en environnement), Etienne Delay (UR GREEN – CIRAD) Le jeu sérieux CAP>BIOMASSE a été développé, en partenariat avec l’UR GREEN du CIRAD et le réseau « Man and Biosphere » de l’Unesco, en marge de CAP-BIOTER (Capabilité territoriale Biomasse et territoire : l’écologie territoriale appliquée aux réserves de biosphère 2016-2019), un projet de recherche co-financé par l’ADEME et coordonné par le laboratoire PACTE de l’Université Grenoble Alpes. Ce jeu sérieux a été construit en réponse aux enjeux de transfert de connaissances pour valoriser les résultats du projet auprès des acteurs de territoire. CAP>BIOMASSE se présente comme un jeu de plateau pour 9 joueurs. Il invite à se projeter dans un territoire fictif, situé en périphérie d’une grande agglomération. Les activités en présence sont agricoles, agroalimentaires et liées à l’économie résidentielle. Ce territoire partage un projet, celui de la transition énergétique en vue de sortir d’une approche « end of pipe » de la gestion des déchets. Le but du jeu est alors de réussir à initier cette transition sans déséquilibrer le territoire ni impacter les activités en présence. Chaque joueur endosse un rôle qui détermine un type et un nombre de jetons représentant des biomasses à valoriser. A chaque tour, le joueur doit trouver le meilleur moyen pour valoriser ces biomasses (retour au sol, compostage, méthanisation, incinération). La logique du jeu amène les joueurs à s’impliquer dans des projets collaboratifs pour la valorisation des biomasses. Des indicateurs agro-environnementaux permettent de suivre l’impact de leurs stratégies sur la bonne « santé » du territoire. Ce jeu a été pensé et conçu en accord avec les principes et les concepts de l’écologie territoriale sur la base des résultats d’enquêtes, d’entretiens et de diagnostics réalisés sur trois territoires d’expérimentation (Cévennes, Luberon-Lure et Fontainebleau-Gâtinais). L’écologie territoriale met, au cœur des relations entre les sociétés et la biosphère, les flux de matières et d’énergie qu’ils échangent. Elle propose d’analyser le fonctionnement territorial à travers les consommations de matières et d’énergie ainsi que la circulation de ces flux, en empruntant les principes de la théorie des écosystèmes (Buclet et Barles, 2013). Le territoire est ainsi considéré comme un écosystème composé de différents acteurs et processus dont les interactions (matérielles et immatérielles) déterminent la trajectoire de son évolution. Les mécanismes sous-jacents au fonctionnement de la dynamique de jeu sont pensés comme une traduction de la notion de « métabolisme territorial », c’est-à-dire de l’ensemble des processus de transformation de gisements, en ressources puis en richesses territoriales. CAP>BIOMASSE a été expérimenté dans un contexte éducatif auprès d’étudiants (Master MAB de l’Université Paul Sabatier de Toulouse) et d’élèves-ingénieurs (EPF de Montpellier), dans l’optique de sensibiliser aux enjeux complexes de la transition énergétique et de faire comprendre les principes et concepts de l’écologie territoriale. La séquence d’apprentissage compte trois phases : 1/ le jeu sérieux arrive en amont de la formation pour inciter les étudiants à changer de perspective en s’immergeant dans un rôle et une situation pour la plupart d’entre eux inédite ; 2/ Une phase de débriefing interactif vient questionner les étudiants sur le déroulement de la partie, en mettant progressivement en lumière les principes et concepts de l’écologie territoriale qui se rapportent à leurs constats (les notions de ressources et de richesses territoriales, de métabolismes territoriales, de synergies ou encore les enjeux liés à la compétition et à la collaboration autour des ressources, les interactions socioécologiques, etc.) ; 3/ Une dernière phase de la formation incite les étudiants à se munir des méthodes et outils de l’écologie territoriale (analyse de flux, analyse des réseaux d’acteurs) pour faire le diagnostic de l’état initial et final de la partie. Cette utilisation du jeu en soutien à l’enseignement des savoirs (principes et concepts) et savoir-faire (méthodes et outils) de l’écologie territoriale ne va pas sans soulever un certain nombre de perspectives de recherche qui seront discutées au regard de la bibliographie existante : Liées à l’impact du jeu dans le processus d’apprentissage : Le plaisir expérientiel lié à la session de jeu participe-t-il à un plaisir cognitif lié à la compréhension des principes et concepts de l’écologie territoriale et ainsi favoriser l’appropriation de cette approche des enjeux socioécologiques ? Comment approcher de manière qualitative, voire quantitative, l’impact du jeu sur la compréhension de l’écologie territoriale, l’augmentation voire la transformation des savoirs et savoir-faire en lien avec les enjeux de transition énergétique, de gouvernance et d’aménagement des territoires ? Liées à la mobilisation de l’observation dans le processus d’apprentissage : Comment faire évoluer la méthode d’observation des sessions de jeu pour la mobiliser dans le cadre d’un apprentissage ? Comment intégrer efficacement l’observation lors de la séance de formation afin de mobiliser l’attention des étudiants sur des points clés sans contraindre un vécu plus spontané du jeu ? Comment observer des séances de jeu auprès d’acteurs de territoire afin de mobiliser ce matériel (films, enregistrements) dans un contexte d’apprentissage ?

Mots-clés : économie circulaire ; écologie territoriale ; jeux sérieux ; enseignement