Présentations orales - transition agro-ecologique
Lundi 13 mai - 17h20 - 18h00
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Un jeu de rôles pour accompagner la transition agro-écologique de l'agriculture familiale en Amazonie brésilienne
Christophe Le Page 1, 2, @ , Eva Perrier, Emilie Coudel 2, @ , Lívia Navegantes 3, @
1 : Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD - UPR Green) - Site web
Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement [CIRAD]
Campus International de Baillarguet TA C-47/F 34398 Montpellier 5 - France
2 : CIRAD UPR Green TA C-47/F - France
3 : UFPA
En Amazonie orientale, de nombreux petits agriculteurs ont spontanément entrepris des expériences de restauration des forêts, principalement par le biais de systèmes agroforestiers. Pour aider à la définition de politiques de restauration plus inclusives, il est important d'évaluer la viabilité socio-économique et les avantages écologiques des différents systèmes. Suivant une approche de modélisation d'accompagnement, un outil de simulation interactive a été développé pour permettre d'explorer comment et pourquoi les petits exploitants s'engageraient dans des systèmes de production davantage orientés vers les systèmes agroforestiers. L'équipe de recherche a proposé une première version d'une représentation stylisée de 4 exploitations familiales similaires tant du point de vue de la taille (25 ha) que de l'occupation du sol. Ce paysage virtuel est utilisé comme un plateau de jeu. Lors des sessions de jeu, les participants, regroupés en 4 équipes dont chacune prend en charge une propriété, sont invités à prendre des décisions agricoles annuelles pour gérer leur exploitation de 25 ha. En fonction de leur budget et de leur main-d'œuvre (fixés à l'identique pour les 4 propriétés au début du jeu), ils doivent sélectionner les activités qu'ils souhaitent exercer, les localiser sur le plateau de jeu et indiquer les pratiques associées à ces activités. Ces décisions sont saisies dans un modèle de simulation informatique qui permet de simuler la croissance des plantes et de calculer un ensemble d'indicateurs permettant d'évaluer l'équilibre entre les avantages environnementaux et socio-économiques. Un projecteur a ultra-courte focale permet de projeter horizontalement la représentation informatisée des exploitations, matérialisant ainsi un plateau de jeu dont la remise à jour est automatisée. L'intérêt de disposer d'un support de simulation informatique est de pouvoir « faire tourner » les systèmes de production mis en place sur chaque exploitation de manière interactive au cours de quelques tours de jeu (généralement 3) jusqu'à un horizon temporel de 10 ans, une durée minimale pour discuter de la performance de systèmes dans lesquels des cultures pérennes peuvent occuper une place importance.
Pour concevoir les éléments du jeu, la première maquette a été soumise à un groupe de 4 agriculteurs de la commune d'Irituia (Nord-Est de l'état du Para, en Amazonie Brésilienne) sélectionnés pour leur expérience des systèmes agroforestiers. Un premier ensemble d'activités agricoles a été introduit dans le jeu. Outre deux activités très fortement ancrées dans cette région (la culture annuelle du manioc pour produire de la farine et le palmier Açaí dont le fruit est utilisé dans la préparation d'une boisson très appréciée dans tout le pays), trois types de systèmes agro-forestiers représentant les principaux stéréotypes identifiés par les enquêtes de terrain ont été spécifiés. Les premiers tests du jeu ont été réalisés avec des élèves d'une école rurale (Itabocal) de la commune d'Irituia. La plupart des familles des étudiants de cette école pratiquent l'agriculture dans des exploitations du type de celles représentées dans le jeu. Ces sessions de test ont permis de calibrer le jeu : les valeurs des paramètres de coûts monétaires d'implantation et de maintenance, besoins en main-d'œuvre et revenus des activités ont été ajustées. Trois indicateurs ont été définis pour permettre de discuter des résultats du point de vue de l'économie, de la qualité de l'environnement et des conditions de travail. Les documents synthétisant les informations propres aux activités pouvant être mises en œuvre dans le jeu se présentaient sous forme de tableaux. Dans un deuxième temps, un certain nombre de pratiques associées aux activités (préparation du sol, fertilisation, désherbage, lutte contre les nuisibles, apport en eau) ont été introduites dans le jeu. De nouvelles sessions de test ont été réalisées, avec les élèves de l'école rurale mais également avec les participants à un congrès international d'ethnobiologie organisé dans la capitale de l'Etat, avec les scientifiques impliqués dans le projet de recherche dans le cadre duquel le jeu a été développé, et enfin avec des groupes d'agriculteurs n'ayant pas été impliqués dans la première phase. Les supports du jeu ont été améliorés : des cartes à jouer ont remplacées les feuilles de tableaux. Plus facilement manipulables et présentant l'information de manière plus visuelle, elles libèrent l'espace et laissent libre court aux discussions entre les joueurs. Un tableur Excel a également été conçu pour assister les joueurs dans la vérification de la faisabilité (en termes de coûts monétaires et de temps de travail) des plans d'activités/pratiques envisagés.
A l'issue de ces deux premières phases, la partie « conception » s'est achevée. La phase d'utilisation du jeu a récemment débuté. Pour apprécier dans quelle mesure les spécificités du contexte local se retrouvent dans les décisions des participants aux sessions de jeu, en d'autres termes le degré de généricité du jeu versus sa capacité à provoquer des considérations des participants sur leur compréhension/perception du système réel, nous avons réalisé une première série de 2x2 sessions dans deux contextes différents : 2 sessions à Irituia, c'est-à-dire dans la région où le jeu a été conçu, puis 2 sessions dans la commune voisine de Paragominas. Dans chacun de ces contextes, la première des deux sessions a regroupé des acteurs institutionnels et la seconde des agriculteurs. Nous présentons une analyse des résultats de ces quatre sessions et discutons de l'intérêt d'utiliser le jeu pour expliciter des connaissances, faire émerger des idées et partager des représentations spécifiques à chaque type de participants.
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Pour une transition socio-écologique réussie dans les Grands Sites de France : Jouer SOLUTRE !
Damien Marage 1, @ , Anne Jegou 2, @ , Laurent Simon 1, @ , Catherine Carré 1, @ , Estelle Labbé-Bourdon 3, @
1 : Laboratoire dynamiques sociales et recomposition des espaces - Site web
Université Panthéon-Sorbonne
Université Paris Ouest Nanterre La Défense Bâtiment T 200 avenue de la République 92001 Nanterre cedex - France
2 : Théoriser et modéliser pour aménager (UMR 6049) - Site web
Université de Bourgogne, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR6049, Université de Franche-Comté
32 Rue Megevand 25030 BESANCON CEDEX - France
3 : DREAL Bourgogne-Franche-Comté - Site web
Ministère de l'écologie de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire
TEMIS – Technopole Microtechnique et Scientifique - France
Créé en 2000, le Réseau des Grands Sites de France compte aujourd'hui 44 Grands Sites membres, qui accueillent chaque année près de 32 millions de visiteurs. Situées en Bourgogne-Franche-Comté, les roches de Solutré-Pouilly-Vergisson appartiennent au patrimoine naturel français depuis 1909, avec le premier arrêté de protection au titre des sites et monuments naturels. Ce site a été labellisé Grand Site de France en 2012. Le Syndicat Mixte et son équipe technique est en charge de l'entretien et de la protection du site, de l'accueil de plus de 200 000 touristes par an et d'une stratégie d'association des acteurs et habitants du territoire. Cette gestion a été mise en place afin de conserver la mosaïque paysagère des Roches mais aussi assurer une solide gouvernance territoriale pour pouvoir pérenniser et assurer le renouvellement du label en 2019. Pour cela, un collectif de chercheurs s'est structuré en 2016 dans le cadre d'un programme « Transition socio-écologique en Bourgogne », financé par le Conseil Régional et l'Etat (DREAL) autour de la question suivante : Quelle nouvelle gouvernance territoriale ce Grand Site est-il en mesure de porter pour améliorer la préservation de ce bien commun ?
Ce territoire est en effet en cours de restructuration à une échelle macro-communale dans un contexte de site classé en cours d'extension et de petites communes rurales variablement impliquées. Au-delà des dynamiques de transition sectorielles choisies actuellement comme modèles, notamment celles partielles de la transition énergétique, de la transition écologique, ou économique, la démarche de ce projet visait à contribuer à la fois à favoriser une forme de transition originale centrée sur le territoire dans ses composantes et à produire des connaissances et des procédures scientifiques originales à la croisée de l'écologie, de l'écologie territoriale, de la géographie, de l'agronomie, de l'ingénierie écologique mais aussi de l'histoire, de la sociologie et des sciences politiques. L'ambition était de prendre en compte les interrelations des éléments constitutifs d'un territoire, leur imbrication complexe, et, à travers le prisme du point focal des enjeux concernant les paysages des Roches, de contribuer à expérimenter une transition de tous les éléments du territoire.
Pour pouvoir rendre compte de cette complexité, la réalisation d'une simulation multi-agent s'est donc imposée et plus encore, la nécessité de responsabiliser les acteurs/participants vis-à-vis de ce bien commun autour du Grand Site, par un « serious game ». Démontrer, par le jeu, l'imbrication des éléments du territoire et des conséquences des actions de différents parties-prenantes sur l'attractivité, notamment touristique et ses retombées économiques et ses impacts environnementaux, nous semble crucial pour la gouvernance territoriale et paysagère de ce territoire. Les différentes interrelations et fonctionnalités tant écologiques que concernant les jeux d'acteurs, ont été formalisés dans un modèle évolutif au travers de l'élaboration d'un Système Multi-Agent. Le jeu « SOLUTRE » a été testé à plusieurs reprises par des étudiants de différents niveaux (Licence, Master) et fera l'objet d'une journée ludique avec les acteurs du territoire à l'automne 2019. Nous avons choisi de donner une place non négligeable à l'environnement, au travers du paysage comme de la biodiversité, mais aussi de la prise en compte des effets du changement climatique, et de montrer l'importance de sa préservation pour renouveler le label Grand Site.
« SOLUTRE » se joue, autour d'un plateau de jeu, à 5 groupes d'acteurs et un maître du jeu (banque et représentant de l'Etat en région, garant du renouvellement du label). Cinq groupes d'acteurs sont respectivement :
- Les maires, qui représentent la volonté des citoyens et qui sont invités aux réunions avec les gestionnaires du Grand Site pour participer à sa gestion,
- Les gestionnaires du Grand Site sont évidemment des acteurs incontournables, puisque c'est autour d'eux que vont graviter les enjeux autour de cette labellisation Grand Site,
- Les hébergeurs/restaurateurs/commerçants, car c'est principalement eux qui participent au développement économique et touristique du territoire.
- Les habitants et associations ont une grande importance dans le Grand Site. Les associations sont en effet omniprésentes, avec parfois une dizaine d'associations dans des villages de quelques centaines d'habitants. Il est de plus primordial pour le renouvellement du Grand Site d'impliquer ces habitants et associations dans la dynamique du Grand Site.
- Les viticulteurs ont bien sûr leur place dans le jeu. Ils revêtent une importance considérable pour le territoire du Grand Site de la Roche du Solutré. En effet, un tiers de sa superficie est couverte par les vignes, comprenant trois appellations viticoles de renom international. Cette identité viticole du territoire est depuis bien longtemps un élément incontestable du paysage et représente un poids économique majeur.
- Les vignes constituant le cœur de l'activité économique locale et couvrant la majeure partie du territoire,
- Les zones forestières, ressources moins exploitées mais importantes sur le plan paysager,
- Les pelouses calcicoles couvrant les 3 entités géologiques, attributs et centres touristiques du territoire.
Ce jeu, moyennant, quelques adaptations concernant la viticulture, est transposable sur de très nombreux territoires en transition ou les problèmes de gouvernance et de légitimité se posent dans le renouvellement de label, comme celui des Grands Sites de France ou bien des parcs naturels régionaux.