Présentations - session 2

Présentations orales - formation et imaginaire

Lundi 13 mai - 14h00 - 15h00
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Formation en réalité alternée : quand la gamification transforme durablement les comportements
Sébastien ALLAIN
Chercheur associé au laboratoire Langages, Littératures, Sociétés, Études Transfrontalières et Internationales, Équipe Hypermédia G-SICA.
Membre de la Chaire UNESCO Innovation Transmission et Édition Numériques.
Membre de l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines.
Directeur de l’expérience utilisateur chez SBT - Human(s) Matter.

Il est des jeux qui comptent dès lorsqu’ils peuvent avoir une influence sur les questions environnementales, et qui comptent plus encore suivant l’échelle considérée. N°1 mondial des produits de qualité, LVMH s’est emparé des questions environnementales pour réduire ses émissions de CO2 de 25% entre 2013 et 2020. Si l’on pouvait imaginer que les sites de production seraient les premiers concernés, ce sont en réalité les boutiques qui sont responsables de 75% des émissions. Lieux marchands d’excellence, tant par l’esthétique générale que le bien-être perçu, les boutiques du groupe se veulent donc plus respectueuses encore des ressources nécessaires à leur construction et leur maintenance.
Face à ces enjeux d’échelle, un dispositif se devait d’accompagner les principaux acteurs, plusieurs centaines d’architectes du groupe LVMH, à l’éco-design. Une recherche-action s’est emparée des contraintes pour concevoir ce dispositif, répondant à une série de questions : quel est le support le plus adapté aux usages de ces personnes ? Comment ne pas imposer une formation descendante et l’ouvrir aux contenus émergents ? Comment engager ces professionnels aguerris dans de nouveaux apprentissages ? Les deux hypothèses pour répondre à ces questions envisagent d’une part que plus le dispositif est ancré dans le quotidien, plus il s’autonomise ; d’autre part, que s’il sait doser et susciter sa part ludique, il sera un levier de motivation ; les deux hypothèses concourant à produire une boucle vertueuse.
L’objet de cette présentation est un retour d’expérience sur le design informationnel, ludique et cognitif de ce dispositif. Après une présentation du contexte, du groupe LVMH, ses contraintes organisationnelles et les objectifs du projet, la présentation développera le choix d’adjoindre à un format institutionnel SPOC (Small Private Online Course) une exposition narrative marquée, une forte composante ludique (gamification) et des principes l’amenant à la frontière de l’ARG (Alternate Reality Game).
En regard de la multiplicité des contraintes et du cœur de cible, une série de choix de conceptions sera exposée, comme autant de résultats premiers : la décision de ne pas borner le dispositif à une expérience digitale et de l’étendre lors de rencontres en présentiel pour multiplier les interactions ; l’importance d’un récit traversant le dispositif de bout en bout ; les leviers de motivation externe, en particulier liés à la gamification et au réseau social dédié ; le format application mobile, toujours à portée de main, ouvrant des consultations rapides, fréquentes, fractionnées ; et enfin, dans la continuité du format mobile, les principes liés aux ARG pour mêler des apports formatifs aux tâches quotidiennes.
La conclusion s’attachera au geste de designer (concevoir) un dispositif pour des designers, soit l’idée d’influencer des « influenceurs » à travers un effet rebond, une récursivité programmatique, du designer interactif et son dispositif sur l’architecte, puis de l’architecte et ses chantiers sur l’environnement.

Mots clés : Formation, Application, Gamification, Réalité Alternée, SPOC

Bibliographie
Allain, S. (2017). Dispositifs numériques de formation et apprentissage informel. Raisons éducatives « Technologies numériques, e-formation et éducation des adultes », (21).
Bhamra, T. et Lofthouse, V. (2016). Design for Sustainability: A Practical Approach. Routledge.
Edery, D. et Mollick, E. (2008). Changing the Game: How Video Games Are Transforming the Future of Business (1re éd.). Pearson Education.
Huber, S. et Röpke, K. (2015). How Gamification Can Help Companies to Become More Sustainable: A Case Study on Ride Sharing. Dans T. Reiners et L. C. Wood (dir.), Gamification in Education and Business (p. 615‑636). Cham : Springer International Publishing.
Kapp, K. M. (2012). Games, gamification, and the quest for learner engagement. T+D, 66(6).
Lofthouse, V. A. (2003). Designing for designers: ecodesign tools to inform and inspire.
Marczewski, A. (2015). User Types. Dans Even Ninja Monkeys Like to Play: Gamification, Game Thinking and Motivational Design. CreateSpace Independent Publishing Platform.
Peters, D., Calvo, R. A. et Ryan, R. M. (2018). Designing for Motivation, Engagement and Wellbeing in Digital Experience. Frontiers in Psychology, 9.
Petit, V. (2015). L’éco-design : design de l’environnement ou design du milieu ? Sciences du Design, (2), 31‑39.
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La formation professionnelle à ll'organisation des soins infirmiers avec CLONE
Michel Galaup 1, Catherine Pons Lelardeux 1, Catherine Mercadier 3, Arthur Ramolet 1, Hervé Pingaud 3, Pierre Lagarrigue 1
1 : Serious Game Research Network - Site web
laboratoire EFTS, toulouse UT2J
Place de Verdun 81000 Albi - France
2 : e-santé Occitanie - Toulouse - Site web
ARS - Groupement d'intérêt Public e-santé Occitanie S
3 : ISIS - Site web
LGC UMR 5503


L'équipe de recherche Serious Game Research Lab de l'Institut National Universitaire Champollion (Université de Toulouse), et le groupe de travail constitué d'experts piloté par l'ARS, ont réalisé un jeu sérieux de simulation destiné à former les futurs professionnels en soins infirmiers à organiser et planifier leurs activités mais aussi à prendre des décisions dans un contexte dynamique. Ce jeu sérieux intitulé CLONE est accessible en ligne et reproduit un service de médecine dans un hôpital virtuel composé de 1 à 14 patients.

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2061, un jeu pour équiper l’imaginaire et produire des récits du futur
Collectif æ coop.
Lefebvre Pauline, Maury Elsa, Prignot Nicolas, Truxa Norbert
Notre contribution revient sur l’élaboration de 2061, jeu de rôle narrativiste qui a pour objectif de développer la capacité des joueurs à fabriquer des récits du futur. Ce jeu sera prochainement édité par la société Exod Games. À l’origine du projet, le Forum des Vies Mobiles, un centre de recherches sur la mobilité, faisait appel à notre équipe composée d’artistes et de chercheur. e. s afin de réaliser une enquête sur l’imaginaire des jeunes quant aux mobilités futures, autant virtuelles (NTIC) que physiques (déplacements), dans un avenir sous pression écologique, où le poids énergétique des infrastructures liées à ces mobilités serait devenu un véritable enjeu de société au quotidien. Nous avons proposé de nous éloigner d’une enquête sociologique classique sur les aspirations des jeunes, et refusé de poser cette question à partir de ce à quoi ils devraient renoncer. Notre enquête a débouché sur le jeu 2061, que nous concevons comme un outil pour équiper les imaginaires du futur dans un monde en crise.
Nos recherches préliminaires ont porté sur l’équilibre entre mobilités physiques et virtuelles. Plutôt qu’à un remplacement des unes par les autres soi-disant moins consommatrices (en temps, en infrastructure, en énergie...), nous avons conclu qu’on assistait plutôt à des reconfigurations de pratiques (l’e-mail ne remplace pas le courrier postal, pas plus que la téléconférence ne remplace la conversation de visu). Nous avons identifié les qualités sensibles recherchées dans ces modes de déplacement. Ainsi, une caractéristique centrale des NTIC est qu’elles permettent d’être transporté. e, de s’isoler de son environnement immédiat tout en se connectant à d’autres lieux. C’est en étudiant ce phénomène que nous avons introduit le jeu dans notre recherche.
Un jeu de rôle narrativiste nous est apparu propice pour transporter les (jeunes) joueurs dans cet ailleurs qu’est l’avenir, pour en dessiner les traits collectivement et faire émerger des imaginaires du futur. Plutôt que d’interroger frontalement les jeunes sur les renoncements qu’ils seraient prêts à envisager, nous leur proposons un dispositif à même d’équiper leur capacité à produire des imaginaires. À travers les choix que le joueur effectue pour faire évoluer le personnage qu’il a créé et auquel il s’est attaché, le jeu contribue à une responsabilisation environnementale des jeunes. Il leur fait sentir, de manière ludique, les nouvelles contraintes avec lesquelles il faudra sans doute effectivement composer, mais sans les imposer au préalable. Nous avons appris des joueurs de jeu de rôle combien le jeu devrait être pensé avec précision, pour ne pas passer à côté de la question de recherche, et laisser néanmoins l’imagination se déployer librement. 2061 propose un univers et une mécanique qui engagent les joueurs à penser la contrainte, surtout en termes de mobilité, tout en maintenant l’univers lui-même assez plastique pour que ces limitations fassent l’objet de négociations constantes entre les joueurs.
Pour établir les bases de l’univers du jeu, nous nous sommes servis de scénarios du futur issus d’études prospectives, mais aussi d’éléments empruntés à la culture futuriste. L’univers est esquissé en début de partie via deux éléments principaux. Une série de brèves donnant les nouvelles du jour situent l’action en 2061 dans une ville appelée Néo-Zelbru, et énoncent une série d’enjeux sociétaux, politiques, environnementaux qui animeront la partie. Ensuite, des cartes quartiers sont tirées qui décrivent plus en détail les diverses zones de la ville dans lesquels évolueront les personnages. Ces quartiers sont très contrastés, géographiquement, socio-économiquement ou encore idéologiquement, comme autant de versions possibles d’un futur désirable. Des éléments ayant trait aux possibilités de mobilité, tant physique que virtuelle, sont systématiquement introduits. Les traits exacts de l’univers devant être négociés par les joueurs, ces informations restent suffisamment vagues et non contraignantes, tout en offrant des prises aux joueurs qui en auraient besoin. À partir de ces éléments, la première manche consiste pour les joueurs à concevoir leur personnage et à se mettre d’accord sur les contours du monde dans lequel ceux-ci vont évoluer.
Le jeu pose, dans sa mécanique même, la question de l’articulation entre mobilités virtuelles et physiques. La seconde manche vise à réaliser des actions. La mécanique du jeu est conçue pour que les actions de type mobilité (déplacements, prises de contact à distance) soient centrales. Surtout, ces actions doivent être qualifiées comme plus ou moins virtuelles ou physiques, et les joueurs leur attribuent un niveau de difficulté, lié aux contraintes qui pèsent sur le monde en 2061 et aux compétences spécifiques des personnages. La mécanique proposée fait que toute action peut rater. La difficulté des actions proposées par un joueur est évaluée par les autres joueurs, selon un processus de négociation libre, encourageant une discussion autour des contraintes pesant sur l’avenir qu’ils dépeignent. L’aspect ludique est renforcé par le hasard qui détermine la réussite ou l’échec d’une action, résultat face auquel les joueurs doivent adapter leur histoire.
Le jeu narrativiste 2061 repose sur l’idée que la sensibilisation aux enjeux écologiques passe de manière particulièrement efficace par des processus d’appropriation. La plasticité de l’univers et la constante négociation autour des contraintes sont autant de dispositifs pour faire sentir aux joueurs les possibles complications auxquelles les habitants d’une agglomération pourraient se confronter dans ± cinquante ans. 2061 est un jeu qui fait la part belle aux processus de négociations, dramatisant ainsi la question de savoir ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire dans cet univers. C’est là un enseignement que nous avions tiré de l’observation des jeux de rôles, dans lesquels les processus de fabrication d’un imaginaire collectif, les manières de s’entendre sur ce qui est vraisemblable, sont centraux, et où le « réalisme » est sans cesse mesuré à l’intérieur des situations. Ainsi, la question du futur n’est plus tellement articulée à ce qui est probable, mais est posée dans les termes d’une fiction, demandant aux joueurs ce qui serait cohérent en fonction d’un monde et des choix d’actions que posent les personnages. Notre contribution montrera combien les récits produits lors des parties sont variés, palpitants, et dégagent chaque fois des univers très forts.


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