Présentations - session 1

Présentations orales - dilemmes et compensation

Lundi 13 mai - 14h00 - 15h00
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Comment une situation de tension explicite engendre dialogue et innovation
Juliette Rouchier , Alice Delsereys, Corinne Pardo, Jessyca Tretola

Faire l'expérience d'un dilemme social dans un jeu de rôle : Le cas de la pollution
Dans cette présentation on proposera les premiers résultats d'un projet autour d'un jeu de rôles à visée pédagogique (10-16 ans) intitulé « PollutionSolutions », dont le futur est d'être proposé en accès libre pour les enseignants du secondaire. Ce jeu est centré sur le thème de la pollution et utilise les ressorts comportementaux du dilemme de biens communs de la théorie des jeux en économie. Le projet s'inscrit dans la démarche recommandée par Elinor Ostrom qui est d'éduquer les jeunes générations à la compréhension de la tension entre intérêt collectif et intérêt individuel. Celle-ci, mise en scène dans le jeu, est expérimentée par les participants qui doivent la résoudre en établissant un dialogue.
Le jeu a été testé dans différentes classes et dans plusieurs contextes, avec des préparations pédagogiques diverses et des groupes plus ou moins préparés en fonction des connaissances du caractère des élèves.
Le processus a permis de mettre en avant un certain nombre de comportements émergents, et de pistes de réflexion collective à mettre en place lors du debriefing. On peut noter par exemple que très rares sont les groupes d'élèves qui ne prennent pas conscience qu'un objectif collectif existe en sus de l'objectif individuel qui leur est décrit explicitement. La compréhension de cet élément transforme la façon de parler à propos du jeu et d'organiser la décision individuelle. Plusieurs options politiques sont en général proposées (débat, votes) ainsi que plusieurs modes d'organisation économique (système de compensation, marché). Par contre, il est également très rare que la conscience de la nécessité d'un engagement collectif émerge avant que la pollution n'impacte de façon sévère les joueurs : c'est lorsqu'il est « presque trop tard » que les actions collectives sont mises en place. Cela plaide pour que l'expérience de la tension individuel-collectif soit effectivement vécue dans un contexte sécurisé, comme un jeu, qui permet l'erreur et la révision des choix. On peut également noter que les enfants sont beaucoup plus capables de gérer les dilemmes collectifs que les adultes, selon les tests réalisés.
Un guide d'utilisation et des séquences pédagogiques ont été produites, insistant sur la nécessité du debriefing comme principal espace éducatif des protocoles ludiques, et une grille d'observation est proposée. Plusieurs protocoles sont proposés en conséquence pour des enseignants. On signale également les erreurs principales à éviter pour que la séquence de jeu ne deviennent désagréable pour le groupe (ce qui se manifeste par des conflits et l'expression d'un fort sentiment d'injustice).
Notre présentation s'attachera à mettre en avant la diversité des comportements et des éléments qui permettent de cadrer un tel jeu.

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AnaWag, un jeu expérimental pour faciliter la compréhension des dilemmes économiques dans la gestion de l'eau d'irrigation
Stefano Farolfi 1, Katrin Erdlenbruch 2, Bruno Bonté 2
1 : Gestion de l'Eau, Acteurs, Usages - Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement [CIRAD]
361 rue J.F. Breton - BP 5095 34196 Montpellier Cedex 5 - France
2 : Gestion de lÉau, Acteurs, Usages - Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture - IRSTEA
361 rue J.F. Breton - BP 5095 34196 Montpellier Cedex 5 - France


L’usage de jeux expérimentaux à but pédagogique en économie de l’environnement et des ressources est relativement récent. Des expérimentations économiques ont été utilisées pour faciliter la compréhension des mécanismes décisionnels concernant la responsabilité sociale (Rodrigo-González et María Caballer-Tarazona, 2015), l’effet des taxes sur la pollution (R. Corrigan, 2011) ou encore le cout opportunité des permis d’émission (Holt et al., 2010).
Des logiciels existent également, comme par exemple MobLab (https://www.moblab.com/), pour réaliser facilement et à bas coût des expérimentations en classe à l’aide d’ordinateurs connectés, tablettes ou smartphones.
AnaWag est une plateforme de jeu expérimentale qui permet de réaliser des séances pédagogiques avec des étudiants pour illustrer le fonctionnement d’un système de partage de ressources en eau. La nature expérimentale du jeu permet de formuler des hypothèses sur le comportement des joueurs et de les tester en confrontant le comportement observé avec les attentes théoriques et les résultats du modèle économique qui est derrière le jeu.
Nous illustrons d’abord le jeu expérimental AnaWag, puis les résultats d’une séance conduite récemment et discutons les atouts, limites et perspectives d’un tel outil.
AnaWag est un développement de la plateforme “Wat-A-Game” (WAG) (Ferrand et al., 2009) et a été utilisé comme support pédagogique d’abord dans sa version préliminaire (Farolfi, 2013) en Afrique australe, puis dans des versions plus récentes en France et en Tunisie. Une interface informatique, AnaWag, a été élaborée dans le cadre du projet ExpéComMod (Bonté et al., 2018). La version présentée ici est le format ‘jeu de plateau’ d’AnaWag.    
Le modèle décrit un jeu de contribution à un bien public et d’extraction d’une ressource commune dans un système asymétrique, où les joueurs n’ont pas accès égal à la ressource commune (Janssen et al., 2011). Le jeu est contextualisé, les joueurs sont des irrigants dans un périmètre irrigué le long d’un canal. Une partie de l’eau disponible provient de la pluie, et une partie d’un forage. La quantité d’eau produite par le forage dépend de l’entretien assuré par le groupe : plus le groupe contribue à l’entretien, plus le forage produira de l’eau.
Les champs des agriculteurs sont alignés le long du canal, l’eau arrive d’abord dans les champs du premier, puis du second, etc. La position (1, 2, 3 etc.) est indiquée en début de jeu et reste inchangée jusqu’à la fin. Le jeu est répété. Quatre joueurs (ou équipes de joueurs) sont prévus.
Chaque tour les joueurs font deux choix :
1. Contribuer à l’entretien du forage, entre 0 et 3 jetons (WAGs). La production d’eau (W) correspondante à la contribution du groupe (0 ≤x≤ 12) suit la fonction suivante :
W=0 if 0≤x≤2
W=2x-4 if 2≤x≤8
W= 12 if 8≤x≤12
2. Jouer une carte d'activité: Les activités comportent un coût (de 1 à 2 WAGs en fonction des activités) et rapportent des recettes (de 1 à 6 WAGs). Ils nécessitent de l’eau en entrée et peuvent produire de l’eau en sortie. Si l’eau nécessaire en entrée n’est pas obtenue, le montant dépensé pour l’activité est perdu.


Le modèle permet de calculer des équilibres qui représentent les attentes théoriques en économie, à confronter avec les résultats observés. Ces équilibres, exprimés en termes de contribution au bien commun et de gain du groupe, dépendent du niveau initial de pluie.
A travers ce jeu nous pouvons tester deux hypothèses :
H1: une plus grande disponibilité d’eau de pluie induit une plus faible contribution du groupe (car moins de stress).
H2: plus de communication au sein du groupe induit plus de coopération (Ostrom, 1990) et donc un gain du groupe proche de l’équilibre coopératif.  
Le design expérimental consiste donc en deux traitements : un avec 1 unité d’eau de pluie chaque tour et un avec 4 unités d’eau chaque tour. Deux groupes, un par traitement, sont formés avec ces disponibilités fixes d’eau de pluie. Au sein de chaque groupe nous testons en plus l’effet de l’introduction de la communication entre joueurs. Des séquences de trois tours avec (A) et sans (S) communication sont joués : ASA et SAS.
Pendant une session jouée à l’INAT de Tunis le 13/11/2018, 22 étudiants ont été divisés en deux groupes de 4 équipes. Pour suivre les règles de l’expérimentation économique, une rémunération a été prévue pour les gagnants de chaque groupe.  L’animateur conduisait simultanément le jeu des deux groupes et, à l’aide de fiches remplies par les joueurs, notait les choix des joueurs dans un fichier de calcul pour enregistrer les résultats.
Dans le groupe 1 (1 unité d’eau de pluie) on observe plus de contribution pour pallier le stress hydrique naturel, et un effet fort de la communication pour aboutir à un équilibre coopératif en fin de jeu. Dans le groupe 2 (4 unités d’eau de pluie) on observe moins de contribution et une coopération provoquée par la communication. Cette coopération se maintient aussi en dernière séquence, sans communication, et permet une coordination entre joueurs aboutissant à un équilibre coopératif dans les trois dernières périodes. Les résultats confirment les hypothèses.
Bien que sans une vraie validité statistique, à cause d’un relativement faible nombre d’observations, les résultats permettent de discuter les hypothèses émises et les concepts économiques sous-jacents avec les étudiants. Néanmoins, l’usage répété de la plateforme en conditions identiques peut donner lieu à des résultats expérimentaux exploitables.
Dans les situations d’utilisation (cours doctoraux EDEG en France et CEEPA à l’Université de Pretoria, cours MSc à l’INAT Tunis et dans différentes universités d’Afrique australe) les étudiants ont apprécié l’aspect ludique et en même temps la rigueur des résultats et du modèle qui supporte le jeu. Ils ont considéré que la mise en situation et la possibilité de confronter les résultats observés à la théorie économique sont des atouts pédagogiques importants.
En particulier, dans la session jouée à l’INAT, les résultats ont confirmé les hypothèses formulées. Les étudiants ont été ‘favorablement surpris’ de voir à quel point leurs choix en termes de partage d’une ressource commune correspondaient à ce que la théorie économique prévoit.
En termes d’apprentissage, un tel outil permet aux étudiants de ‘se mettre dans la peau’ des sujets économiques étudiés (ici des agriculteurs irrigants) et de faire eux-mêmes des choix économiques et non pas seulement d’étudier les effets de choix théoriques ou réalisés par d’autres. Cette mise en situation, couplée à l’observation ex-post des effets de ces choix sur le système étudié, permet une compréhension rapide et plus profonde des concepts d’économie des ressources à la base du jeu. Aussi une discussion plus informée des résultats de l’expérimentation permet d’aborder au même temps l’analyse du comportement économique et les effets de certaines politiques environnementales.
L’évaluation des apprentissages se fait à travers un débriefing d’une heure, suivi par un questionnaire à chaud et par un examen écrit à quelques jours de distance.
Session d’AnaWag à l’INAT de Tunis
Références
Barreteau O. (2003) The joint use of role-playing games and models regarding negotiation processes: characterization of associations, Journal of Artificial Societies and Social Simulation vol. 6, no. 2.
Bonté B, Farolfi S, Ferrand N, Abrami G, Ciss Diallo M, Aquae Gaudi W, (2019, submitted) Does participatory modelling foster cooperation? An experimental protocol to test it, Environmental Modelling and Software.
Corrigan J.R. (2011) The Pollution Game: A Classroom Game Demonstrating the Relative Effectiveness of Emissions Taxes and Tradable Permits, The Journal of Economic Education , 42 (1): 70-78.
Farolfi S., Abrami G., Ferrand N., Aquae-Gaudi W. (2013) Learning about river basin complexity and governance through a role-playing game The use of Wat-A-Game for pedagogical purposes in Southern Africa. IWEGA Policy Brief (4): 4 p.
Ferrand N., Farolfi S., Abrami G., and Du Toit D. (2009) Wat-A-Game: Sharing water and policies in your own basin, 40th Annual Conference International Simulation and Gaming Association, Singapore, 29 June to 3 July.
Holt C. Myers E. Wråke M. Mandell S. Burtraw D. (2010) Teaching Opportunity Cost in an Emissions Permit Experiment, International Review of Economics Education, 9 (2): 34-42.
Janssen, M., Anderies, J., Cardenas, J.-C., (2011) Head-enders as stationary bandits in asymmetric commons: Comparing irrigation experiments in the laboratory and the field. Ecological Economics 70 (9), 1590-1598.
Ostrom E. (1990) Governing the commons, Cambridge university press, 280 p.
Rodrigo-González A. Caballer-Tarazona M. (2015) A model to assess students’ social responsibility behavior within a classroom experiment, International Review of Economics Education, 18: 62-82.


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Se faire affecter pour comprendre la protection de la nature. Kompensaatiopeli, un jeu de carte sur la compensation écologique
Becoming affected to learn about nature conservation. Kompensaatiopeli, a card game on biodiversity offsetting
Nina V. Nygren @,  Lucas Brunet @
Unité de recherche Politics of Space and the Environment, Université de Tampere, Finlande


Biodiversity offsetting has been promoted as a promising political tool to combine economic development and nature conservation. It designates a planned process of creating or enhancing biodiversity to offset local losses or degradation of biodiversity. In practice, the implementation of biodiversity offsetting is a complex, experimental process and raises numerous controversies. Our interdisciplinary team of social scientists, ecologists, game and literature scholars and artists has designed a biodiversity offsetting game to communicate about the process of biodiversity offsetting to transdisciplinary audiences and manage conflicts related to it. The originality of the game is to simulate the affective dimension of biodiversity offsetting and use it as a basis for experiential learning.
While the role of affects in game experience and conservation practice have been well studied, their potential as learning devices in conservation games remains to be examined. Studying biodiversity offsetting through affects is especially relevant because it has been promoted as a tool to reconcile economic development and nature conservation. Biodiversity offsetting has fuelled hopes to respond to the environmental crisis as well as fears of economising nature. Drawing on Finnish and French case studies, we have explored the contrasted practices of compensation, their modalities, the criticism they encounter, and the different regulations they are related to. This first step of the project has helped us to understand the affective dimension of biodiversity offsetting.
Together with ecologists, nature managers and developers, we have then designed a prototype version of a one-hour biodiversity offsetting social card game. Played by 4-6 (desirable) to 12 players (possible), the game introduces the key mechanisms of biodiversity offsetting, as well as the power relationships between various actors. We approach games as performative communication devices, which frame understanding of scientific knowledge and exploration of policy development affectively, in terms of entertainment and trust building. The game introduces biodiversity offsetting in a fun and engaging manner and triggers the interest of various actors.
The game stages a fictional natural area hosting several protected species but threatened by development projects. Players can embody different kinds of developers and nature conservationists with their respective powers and interests. In addition, a local resident, a decision maker and a biodiversity offsetting bank can be played when more than 6 players are present. The players can cooperate or oppose themselves to apply the mitigation hierarchy and change the rules of biodiversity offsetting (stronger/smaller ratios, flexible offsetting, offsetting of ordinary nature).
From an affective point of view, we decided to emphasise the affects experienced by the actors: the frustration of being a traditional conservationist; the feeling of betrayal among conservationists when some start to cooperate with developers; the sense of unity and brotherhood when conservationists successfully block a project; the sense of power of developers due to their facilitated access to resources; their frustration face to the difficulty of applying the mitigation hierarchy; the sense of responsibility of some of them who get involved in sustainability projects. In overall, the game also underlines the surprise and uncertainty generated by the offsetting process.
Around ten gaming sessions were, or are about to be, organised with ecologists, developers, biodiversity offsetting officers and nature conservationists in Finland, France and Germany. Game sessions are followed by debriefing sessions focusing on the experience of players and the implementation of biodiversity offsetting. Debriefing sessions constitute a privileged moment for building trust among the players and cool down the heated debates of game play. They also enable us to get feedback on the game and improve it for a final version planned for November 2019. The entire meetings were anonymously audio and video tapped to analyse the discursive and bodily expression of affects and understand how they help to learn about biodiversity offsetting.
Inspired by the principles of grounded theory, the results are currently being collected and analysed at the same time. They highlight the importance of affects to communicate key messages about biodiversity offsetting. When relating their game plays, actors relied on highly affective moments (frustrating or joyful) experienced during the game to indicate their understanding of biodiversity offsetting and its potential as tool for nature conservation. In some cases, the affects experienced provided a basis for sharing hopeful and pessimistic stories about nature conservation. The affects also fostered the formation of different subjectivities among players. Developers and conservationists could exchange their roles and understand the emotional work required by the other profession. These results invite to pay attention to the affective potential of games as facilitating devices for learning about nature conservation and explore different political options.

Keywords: affect, biodiversity offsetting, education, experiential learning, serious game, science communication.

References
Bull, J. W., Suttle, K. B., Gordon, A., Singh, N. J., & Milner-Gulland, E. J. (2013). Biodiversity offsets in theory and practice. Oryx, 47(3), 369-380.
Curtis, V. (2015). Motivation to participate in an online citizen science game: A study of Foldit. Science Communication, 37(6), 723-746.
Eisenack, K. (2013). A climate change board game for interdisciplinary communication and education. Simulation & Gaming, 44(2-3), 328-348.
Fang, Y. M., Chen, K. M., & Huang, Y. J. (2016). Emotional reactions of different interface formats: Comparing digital and traditional board games. Advances in Mechanical Engineering, 8(3), 1687814016641902.
Hoy, B. (2018). Teaching history with custom-built board games. Simulation & Gaming, 49(2), 115-133.
Radchuk, O., Kerbe, W., & Schmidt, M. (2016). Homo Politicus meets Homo Ludens: Public participation in serious life science games. Public Understanding of Science.
Redpath, S. M., Keane, A., Andrén, H., Baynham-Herd, Z., Bunnefeld, N., Duthie, A. B., ... & Pollard, C. R. (2018). Games as tools to address conservation conflicts. Trends in ecology & evolution, 33(6), 415-426.
Rogerson, M. J., Gibbs, M., & Smith, W. (2016, May). I love all the bits: The materiality of boardgames. In Proceedings of the 2016 CHI conference on human factors in computing systems (pp. 3956-3969). ACM.